Bonus de Galia dans le roman : Les mensonges de nos vie.
Galia
Nous avons quitté la Finlande dans un chaos total. L’homme, assis en face de moi dans les bureaux de la CIA, est donc mon géniteur, le traître. Nous nous trouvons je ne sais où aux États-Unis, j’ai perdu tous mes repères depuis mon arrivée, ayant passé plus de 48 heures à répondre à des questions anodines autant que techniques. La bratva en Russie est une mine d’or pour les Yankees. Je ne déteste pas ce peuple, mais j’ai été élevée dans une vision autre que celle de Natasha.
Repenser à elle me pince le cœur. Si, au départ, je ne souhaitais que l’aider à sortir des griffes de Pavel, la liberté devenait aussi tentante qu’une pâtisserie derrière une vitrine de boulangerie.
— Quand pourrais-je voir, Natasha ?
Il me fixe, m’observe depuis des heures. Je n’arrive pas encore à assimiler que cet Alexeï soit mon véritable géniteur. Comment croire qu’il m’a abandonné, largué chez son frère que je pensais être mon véritable père ? Et ma mère… apprendre
qu’Ivanna est celle qui m’a mise au monde… Non vraiment… J’en viens à regretter d’avoir fui, d’être loin de Sergeï.
— Tu ne la reverras plus, malheureusement. Tu vas être placé sous protection pour ta sécurité, moi rebionak (mon enfant).
— Eto americanum svoboda (Est-ce là la liberté américaine) ? lancé-je avec amertume.
— Galia… je sais que tout est confus pour toi, mais je dois te protéger, il va te chercher et te tuer pour ta trahison, ma fille. Ta mère, Ivanna, te voulait en sécurité et moi aussi, crois-moi.
En sécurité, moya, da (mon cul, oui).
— Vous n’êtes que des traîtres à la mère patrie, tu n’es
personne pour moi et Ivanna, une…
— LA FERME, GALIA… me hurle-t-il en m’interrompant et en se levant de son siège pour se placer à deux centimètres de mon nez.
Debout contre le mur de cette salle d’interrogatoire, je rumine, tout en repassant le déroulement de notre évasion. Sergueï… pardonne-moi. Les yeux fermés, je n’entends et ne sens que sa respiration sur mon visage. Il ne m’effraie pas, mon
mari m’a suffisamment disciplinée pour ne pas craindre les hommes, même lui. Il n’y a pas d’amour familial entre nous et, même si je me suis montré accommodante avec lui, j’étais plus libre avec la bratva qu’ici.
— Tu étais où quand ils sont arrivés ce matin de mars ? Ces hommes ont sorti du lit moi otetz yi dva moich brata (Mon père et mes deux frères). Ils ont été mis sur le trottoir, devant tout le village, vêtus d’un slip, m’obligeant à regarder avec horreur ce qu’il allait se produire pour les traîtres à la mère patrie. Tu étais où Alexeï Zorine
quand ton frère et tes neveux sont morts d’une balle dans la tête, pour faire d’eux un exemple ? lui dis-je en ouvrant les yeux afin de plonger dans les siens, identiques aux miens.
Je rage intérieurement, car je n’oublierai jamais les derniers mots de celui que je considère encore comme mon père. Il était dur avec moi, mais juste.
— Nay pozvolyay nikomu ubivat tvoi mechty, doch moya ( Ne laisse personne tuer tes rêves, ma fille), ce sont ses dernières paroles. Je n’ai pas pleuré ce jour là, ne voulant pas leur donner une raison de penser que j’étais faible. Alors tu sais quoi ? J’ai avancé vers les trois corps. En passant devant chacun d’entre eux, j’ai craché sur chacun des
cadavres. J’ai fait en sorte de survivre pour ne pas finir la tête explosée sur ce trottoir. Voilà ce que j’ai dû faire pour survivre, Alexeï. Sergeï a fait de moi sa femme alors que leurs dépouilles n’étaient même pas froides. Il a payé mes études et pris ma virginité qu’à mes 18 ans. Ce monstre est devenu mon monde, je suis sa propriété. Il me cherchera, me traquera partout, car je suis Galia Ozerova, sa femme, et j’attends son enfant.
Voilà, j’ai lâché la bombe à l’homme toujours prostré devant moi. De ses mains calleuses, il prend mon visage en coupe, le bleu glacial de ses iris transperçant mon âme.
Si, finalement, j’ai fui avec Natasha, c’était pour offrir une chance à mon bébé d’avoir une vie meilleure pour nous deux, autrement que dans la peur de la bratva.
— Je ne peux rien effacer, ma fille. Si ta mère me l’avait dit plus tôt, je t’aurais emmenée avec moi et nous aurions été heureux loin d’eux. Je ne peux plus revenir en arrière, mais je peux faire quelque chose pour toi et mon futur petit-enfant. Oui, une chose : vous protégez, lui et toi, au péril de ma vie.
Je sais qu’il regrette, à présent, de savoir pour cet enfant. Sa protection me sera vitale pour que Sergeï ne me retrouve pas.
— Il le sait ? me demande-t-il alors que les larmes roulent sur mes joues et ses mains.
— Je crois bien, oui, soufflé-je confuse. Il savait que j’avais du retard, m’ayant supprimé mes injections contraceptives depuis 3 mois.
— Galia, loin de moi de te reprocher quoi que ce soit, mais tu es médecin, tu aurais pu…
— Utiliser un autre moyen derrière son dos… oui, j’aurais pu, mais… pour moi, c’était le cours normal de notre vie. Je me disais qu’avec un bébé qui grandissait en moi… il…
arrêterait de me punir, de me marquer et… Natasha est arrivée. J’ai cru à ses rêves de liberté, mais j’aurais dû refouler tout ça et rester avec mon mari, finis-je par dire avec cette boule au ventre, symptôme de ma peur de mourir sous les mains du père de mon bébé.
Alexeï relâche ses mains de mon visage, mes yeux fixent le sol, soumise. Je ne peux pas affronter son jugement alors que j’avoue, à demi-mot, regretter de m’être enfuie. Ses bras m’enveloppent dans une étreinte d’amour, je le ressens au plus profond de moi. Lui aussi doit ressentir une multitude d’émotions aussi contradictoires les unes que les autres.
— Tu es ma fille, Galia. Je ne te garantis pas que nous serons libres comme l’air, mais tu es ma priorité dorénavant. Tu es ma chair, mon sang et je suis désolé que tu aies subi
toutes ces horreurs. Je vivrai avec ça toute ma vie et jusqu’à ma mort si ce n’est pas plus. Mais jamais, non jamais, tu ne retourneras dans les bras de cet homme. Il ne te mérite pas, moya printsessa (ma princesse), me promet-il en embrassant de mille baisers le dessus de ma tête.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés dans les bras l’un de l’autre quand, tout à coup, la porte s’ouvre sur un homme qui nous dévisage. Je me détache d’Alexeï, lui montrant d’un geste du menton que nous avons un observateur.
— Alexis Makarov, je suis l’agent affecté à la sécurité de madame Galia Ozerova, nous balance-t-il d’emblée. Vous, monsieur Alexeï Zorine, n’êtes plus autorisé à rester avec votre fille.
— NON, POURQUOI ? crié-je d’incompréhension.
— Il est là ? lance Alexeï à l’homme qui n’a pas bougé d’un iota.
— Da.
Sergeï est aux États-Unis. Il ne cessera jamais sa traque, je ne vivrai jamais sereinement, j’aurai constamment ce besoin de regarder derrière moi, pour nous protéger.
— Que va-t-il se passer pour le bébé et moi ? demandé-je doucement en me frottant le ventre qui commence déjà à s’arrondir.
L’homme, visiblement russe, me fixe en inclinant la tête sur le côté, l’air embêté.
— Il n’était pas prévu dans l’équation… Je reviens, nous dit-il alors qu’il referme la porte derrière lui.
Je viens de mettre sûrement une pagaille de plus dans leur plan.
— Reste là, je vais aller voir ce qu’il en est. Ma fille… je ne sais pas si je vais survivre à une deuxième séparation, en te sachant en plus enceinte, m’avoue-t-il dans un soupir de désespoir. Tu veux de l’eau ou manger quelque chose ?
— Non… j’aimerais parler à Natasha. Mais si Sergeï est ici, je suppose qu’il doit aussi avoir un œil sur elle et que Pavel ne doit pas être très loin… Elle aussi est mariée à la bratva.
Un grognement s’échappe de ses lèvres, il sait, tout aussi bien que moi, que les tentacules de cette organisation sont très certainement déployés pour obtenir toutes sortes
d’informations. La porte s’ouvre à nouveau sur l’agent, celui-ci se raclant la gorge.
— Il est l’heure de partir vers votre nouvelle vie, madame Ozerova.
Une piqûre de rappel sur le fait que je suis toujours mariée et qu’il finira par me remettre la main dessus avec mon bébé en prime. Ma vie ne vaudra rien pour Sergeï. Seule
sa progéniture lui sera utile, surtout si j’attends un garçon, un futur lieutenant de la bratva.
